Lancement du projet
Je me souviens que, au début, quand chez Todolivo nous envisagions la possibilité de réaliser un Programme d’Amélioration Génétique avec l’Université de Cordoue, nous avons pris en considération l’importance d’investir notre temps pour tenter d’étudier la chaîne ADN de l’olivier, et voir si, dans le futur, nous pourrions être capables d’obtenir une plante modifiée génétiquement plus productive et résistante à une invasion ou maladie déterminée.
Cependant, nous avons rapidement écarté cette ligne de travail, car, d’une part, nous ne savions pas combien de temps pourrait prendre d’obtenir le génome de l’olivier, et, d’autre part, une existait une grande méconnaissance sur les effets des plantes modifiées génétiquement, et, en outre, ce sujet provoquait un grand rejet de l’opinion publique. C’est pour cela que nous étions convaincus qu’il fallait le tenter, mais avec une méthode naturelle.
Ainsi, finalement, en 2007, une fois le projet établi, nous avons décidé de le mettre en œuvre. Pour cela, en 2008, nous avons signé un accord de collaboration avec l’Université de Cordoue pour débuter et développer un ambitieux Programme d’Amélioration Génétique ; concrètement, avec l’équipe composée par les professeurs Diego Barranco, Luis Rallo et Concepción Muñoz, de réputés spécialistes en la matière.
L’objectif était d’obtenir de nouvelles variétés, plus productives et tolérantes aux maladies, qui, à la fois pourraient nous permettre aussi d’obtenir des HOEV avec de nouvelles saveurs et arômes fruités, en utilisant pour cela une méthode naturelle telle que la pollinisation dans les croisements. L’engagement que nous avons alors acquis était important, ce programme allait se prolonger de nombreuses années, l’investissement que nous devrions réaliser était considérable, et nous devrions consacrer beaucoup de temps à ce projet. Et tout cela sans savoir exactement quels résultats nous allions obtenir. Mais, notre enthousiasme pour cette entreprise et affronter ce projet allaient bien au-delà.
PHASE I : Premiers croisements
Nous nous sommes donc attelés à la tâche : notre première et importante mission était de sélectionner les parents avec lesquels nous allions réaliser les futurs croisements. Pour faire ce choix, nous avons pris en considération de nombreux facteurs : non seulement nous avons choisi les variétés les plus remarquables pour leur grande productivité, précocité ou rendement gras, mais nous avons aussi tenu compte de celles qui présentaient une grande tolérance ou résistance à certaines maladies ou dont les huiles étaient prépondérantes pour leur qualité ou caractéristiques organoleptiques précieuses.
L’étape suivante a été de décider quels croisements nous devions réaliser entre eux, et ce ne fut pas une tâche facile. Nous recherchions non seulement que les nouvelles variétés héritent des meilleures qualités de leurs parents, mais aussi de les intensifier en elles. Nous savions, par exemple, qu’en croisant des variétés très productives, nous pouvions obtenir des variétés encore plus productives. Mais cela n’était pas si simple, car nous devions aussi prendre en compte d’autres facteurs, tels que, par exemple, leur tolérance face aux maladies. Voilà la raison de cette complexité.
Si, par exemple, nous nous rendions compte que certaine variété ne nous intéressait pas à cause de ses qualités agronomiques, mais montrait une sensibilité à une maladie, nous essayions de la croiser avec une autre, aussi très productive, mais résistante ou tolérante à cette maladie pour tenter que l’un de ses descendent hérite de cette qualité, en maintenant ou en améliorant les autres forces des parents. Un autre facteur décisif que nous avons pris en considération dans le choix des croisements était de sélectionner des parents dont les huiles étaient notables pour leur qualité et caractéristiques organoleptiques. Penser que les nouvelles variétés allaient nous permettre d’obtenir des huiles différenciées, avec de nouvelles saveurs et arômes fruités, prolongeant le choix actuel d’HOEV du marché nous passionnait et nous motivait.
Une fois les croisements choisis, nous devions procéder à leur réalisation pour obtenir les nouvelles plantes. Les croisements ont été réalisés de manière naturelle, au moyen de la pollinisation dirigée, qui consiste en la prise du pollen du père, la mise en poches de la fleur de la mère avec le pollen du père pour garantir que celle-ci soit fécondée par ce pollen. Les olives résultantes étaient récoltées, séparées de leur noyau, les coquilles fracturées avec soin pour extraire la graine, que l’on a planté dans un plateau à alvéoles jusqu’à ce qu’elle germe. Puis, elles étaient placées dans une chambre de croissance. Postérieurement, les plantules sont transplantées dans des pots et leur croissance est stimulée avec de la lumière constante, de la fertirrigation et une température adéquate, pour écourter leur période de juvénilité et atteindre la taille et la maturité nécessaires. Chaque plante née est une nouvelle variété. Nous avons obtenu durant la première phase du programme 1 345 variétés.
1ère Évaluation sur le terrain et présélection de 38 nouvelles variétés
Mais ce n’était que le début. Nous devions alors les amener sur le terrain et réaliser leur première évaluation. Pour cela, nous avons dû agrandir notre Centre de Recherches Pedro Abad, en achetant un terrain proche de celui-ci, appelé ‘La Cruz de los Huertos’, où, en 2010, nous avons planté individuellement les 1 345 nouvelles variétés obtenues avec les croisements. Pendant 6 ans, nous les avons soumis à des évaluations exhaustives, en étudiant, entre autres, leur précocité, productivité, résistance aux maladies, rendement gras et qualité de leurs huiles. De toutes ces variétés, nous en avons présélectionné 38, qui ont démontré être plus productives que leurs parents; et avons éliminé les autres.
Actuellement, les 38 variétés présélectionnées sont toujours sur ce terrain pour continuer à accumuler des années d’études (aujourd’hui, un total de huit). Les résultats que nous avons obtenus durant cette première évaluation ont été surprenants et motivants, puisque certaines de ces présélections ont obtenu jusqu’à 6 points de plus de rendement gras que leurs parents. Parmi elles, certaines fleurissaient et murissaient plus tôt, et d’autres plus tard, leur tolérance aux maladies était aussi bonne, tel que nous l’avons démontré dans un essai que nous avons réalisé à Pedro Abad où nous avons planté sur un sol infesté de Verticilliose les 38 présélections avec d’autres variétés, dont la Picual. Cette variété a été infestée par ce champignon, au point d’être toutes décimées en deux ans. Cependant, aucunes des 38 présélections ont montré, au jour d’aujourd’hui, aucun signe d’infestation causée par Verticilliose.
2nde Évaluation sur le terrain
Après ces résultats positifs, nous devions réaliser une seconde évaluation sur le terrain pour confirmer, et dorénavant de manière massive, les excellents résultats obtenus individuellement lors de la première évaluation.
Pour cela, nous avons procédé à la multiplication des 38 présélections par propagation végétative. Ceci consiste en la réalisation d’une petite fragmentation de petites branches sur chacune des nouvelles plantes, pour, postérieurement, les planter dans des pots et ainsi obtenir naturellement des jumeaux. Il était aussi nécessaire de disposer d’un terrain le suffisamment grand pour héberger cet essai, puisque nous visions à ce que les résultats obtenus soient le plus fiables et significatifs possible. Comme tous nos domaines étaient occupées par d’autres essais, nous avons décidé de chercher et d’acheter une nouvelle propriété pour réaliser cet essai essentiel. Nous l’avons trouvé dans l’une des portes d’entrée de la campagne de Cordoue, à Villafranca: ‘La Mata’, un domaine à irrigation de 32 hectares.
Pour cette seconde évaluation sur le terrain, nous avons conçu une structure avec 9 blocs répétés, chacun formé par des lignes complètes des 38 présélections, et une collection mondiale de 19 variétés très productives, avec lesquelles elles allaient aussi être comparées (dont leur parents). Nous avons réalisé la plantation en 2015, et, à la surprise générale, un an et dix mois plus tard, nous avons dû récolter une bonne partie des 38 présélections à cause de la quantité d’olives produites si précocement.
Pour l’instant les résultats que nous obtenons sont très bons, et il est certain que nos attentes ont été satisfaites, mais ont aussi été dépassées. Par conséquent, très bientôt, à la fin de cette seconde évaluation, les plantes ayant passé ce test avec succès seront disponibles pour les agriculteurs. Cependant, certains clients nous demandent de tester sur leurs propriétés ces 38 nouvelles variétés que nous avons patenté, et nous avons en effet prévu de les leur planter cette année.
PHASE II: Nouveaux croisements, 1ère évaluation sur le terrain et présélection de 34 nouvelles variétés
Parallèlement, en 2009, nous avons mis en œuvre une II Phase du Programme d’Amélioration Génétique, dans laquelle nous réalisons de nouveaux croisements, dont nous avons obtenu 543 nouvelles variétés, que nous avons plantées et évaluons individuellement sur la propriété ‘Santa María’. Nous avons présélectionné 34 variétés parmi celles-ci, celles qui ont dépassé leurs parents en productivité et présenté des tolérances ou résistances à certaines maladies; le reste a été éliminé.
La prochaine étape, de même que durant la Phase I du Programme, était de réaliser une seconde évaluation sur le terrain de forme massive avec les 34 variétés présélectionnées, mais, à cette occasion, nous avons décidé d’inclure aussi dans l’évaluation les 38 variétés obtenues durant la phase I du Programme d’Amélioration, ce qui additionnait 72 nouvelles variétés, lesquelles, à leur tour, allaient être comparées avec une sélection internationale de variétés plus importante. Nous avons aussi décidé de réaliser cette évaluation sur terrains arides, en outre des terrains irrigués, pour ainsi obtenir plus d’informations qui nous permettraient d’obtenir des conclusions plus amples.
En résumé, nous devions évaluer, tant sur terrains arides que sur terrains irrigués, un total de 102 variétés, dont 72 venaient de nos Programmes d’Amélioration I et II, et 30 correspondaient à une sélection internationale (Espagne, Tunisie, Maroc, Algérie, Italie, Portugal et France) avec lesquelles nous désirions les comparer.
Nous nous sommes dont attelés à la tâche: nous avons multiplié les plantes naturellement, par propagation végétative, tout en recherchant et en achetant deux nouveaux domaines pour réaliser l’essai.
L’un d’eux fut ‘El Calderito Alto’, d’une surface de 28,5 hectares, situé à proximité du Centre de Recherches d’Oliveraies en Haie sur terrains arides ‘Camarero/Calderito’, où nous avons planté cet hiver sur terrain aride plusieurs blocs avec les 102 variétés. L’autre domaine fut ‘Las Hazuelas’, sur terrains arides et irrigués, d’une surface de 37 hectares, situé près de la propriété ‘La Mata’. À ‘Las Hazuelas’, nous avons terminé l’essai sur terrain aride et en avons réalisé en autre semblable, mais sur terrain irrigué. Pour compléter cette étude, nous avons prévu de planter en Italie à l’automne prochain, sur la «zone zéro» de la Xylella, les 102 variétés pour évaluer leur résistance face à cette bactérie.
PHASE III: Prochains croisements
Notre quête d’amélioration nous mène à réaliser une troisième Phase du Programme d’Amélioration Génétique, durant laquelle nous avons prévu de réaliser de nouveaux croisements nous permettant d’obtenir dans le futur de nouvelles variétés, aussi très productives, mais avec des spécifications très concrètes, comme, par exemple, une capacité supérieure pour supporter des situations climatologiques plus extrêmes et/ou résitances à des maladies concrètes.
Conclusion
Faire avancer ce Programme a supposé réaliser un rêve et tenter de lutter pour qu’il devienne réalité. Il est vrai que ce n’est pas une tâche facile, et qu’une bonne dose de motivation, de patience et une grande détermination sont nécessaires pour le mener à bien. Car il s’agit de nombreuses années, les ressources humaines et les investissements de capital requis sont nombreux, ainsi que les difficultés à surpasser en chemin, car l’on ne rencontre pas toujours que des réussites. Certaines erreurs surviennent aussi, et nous devons en tirer les leçons et tenter de les surmonter.
Je me souviens, par exemple, d’une légère erreur que nous avons commise dans la codification de l’étiquetage de certaines plantes propagées dans la seconde phase du Programme. Cet incident nous a obligé à répéter le processus : nous avons dû recommencer à propager ces plantes pour nous assurer qu’elles venaient de présélections concrètes, ce qui a retardé de neuf mois la mise en œuvre du Programme. Mais, toutes les erreurs donnent aussi lieu à des apprentissages et nous sommes convaincus que tous ces efforts vaudront finalement la peine. En effet, les résultats que nous obtenons dépassent même nos propres expectatives du Programme et nous espérons que dans un délai très court, tant les agriculteurs comme les consommateurs pourront se bénéficier de celui-ci.
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